C’est le soulèvement de la Hongrie de l’Ouest, déclenché il y a cent ans, le 28 août 1921, qui a empêché l’Autriche d’occuper paisiblement les territoires hongrois que la paix de Saint-Germain lui avait promis. C’est la résistance de la Rongyos Gárda [la « Garde des loqueteux » – unité paramilitaire de nationalistes hongrois, fondée en 1921 – n.d.t.] et d’autres détachements qui a conduit à l’accord de Venise, qui fait que l’appartenance de Sopron et de huit villages de la région à l’Autriche ou à la Hongrie a été soumise au résultat d’un référendum. Au lendemain de la Grande Guerre, les circonstances exceptionnelles dans lesquelles survivait la petite Hongrie amputée et pillée compliquaient son redressement, tandis que la Petite Entente, créée suite à la première tentative de restauration monarchique, ne faisait qu’aggraver son isolement diplomatique – cette dernière n’attendait en effet qu’une seule chose : l’occasion de tomber à bras raccourcis sur ce moignon de pays.
Le 10 septembre 1919, à Saint-Germain, les artisans de la paix de Paris ont fait cadeau à l’Autriche social-démocrate de la partie occidentale des comtés de Moson, Sopron et Vas, prélevée sur le corps encore chaud de la Hongrie – y compris la ville de Sopron et ses environs, de façon à empêcher la création (encore d’actualité à l’époque) du corridor prévu, à l’ouest du lac Balaton entre les Tchécoslovaques et les Slaves du Sud. Mais les vainqueurs avaient aussi une autre intention, dont ils ne faisaient pas secret : en gratifiant l’Autriche vaincue du Burgenland, l’amener à refuser l’Anschluss allemand.
Mihály Francia Kiss, Iván Héjjas, Pál Prónay. Trois hongrois qui craignaient Dieu et aimaient leur patrie, qui avaient honorablement combattu jusqu’à la fin de la Grande Guerre – leur bravoure et leur combativité leur valant de nombreuses décorations –, qui avaient vécu la honte de l’effondrement, et avaient fait l’expérience personnelle de la tyrannie des rouges, dont – pour des raisons aisément compréhensibles – ils ne voulaient plus – raison pour laquelle ils devinrent les meneurs sanglants de ce qu’on a plus tard appelé la « terreur blanche ». L’historiographie antérieure à 1989 – et bien entendu aussi les historiens actuels de la gauche libérale « progressiste » – ne relatent que leurs activités antibolchéviques de 1919, en tendant bien entendu à ces dernières un miroir fort déformant, mais maintiennent le silence le plus parfait sur (ou mentionnent comme une bagatelle) le fait que ce même Pál Prónay, originaire de Tótpróna [aujourd’hui Slovenské Pravno en Slovaquie – n.d.t.] et de Blatnica, ancien officier du 13e régiment de hussards Jászkun, connu pour la casquette imperméable qu’il portait, avec ses camarades susmentionnés, a dirigé le soulèvement de la Hongrie de l’Ouest déclenché il y a cent ans, obtenant de haute lutte l’organisation du référendum dont le résultat allait être le maintien en Hongrie de Sopron et de ses environs.