Les Ukrainiens ne se contentent pas de notre solidarité
– A votre avis, pourquoi la classe politique et la presse ukrainiennes ne saluent pas à la hauteur de ses mérites cet élan de solidarité qui, chez nous, a emporté le pays comme un seul homme ?
– Ce que les dirigeants ukrainiens attendent de nous, c’est plus que de la solidarité : c’est une aide surhumaine. Ce qu’ils voudraient, c’est que leur combat devienne notre combat. Or nous autres, Hongrois, nous sommes partisans de la paix : nous voulons rester en-dehors de cette guerre. Et si nous aidons les réfugiés ukrainiens, ce n’est pas pour mériter la reconnaissance de la classe politique et médiatique – qu’elle soit ukrainienne ou internationale –, mais parce que c’est ce que nous dicte notre cœur.
– Dans quelle mesure les déclarations du gouvernement ukrainien – devenues entre-temps extrêmement critiques à l’égard de l’Allemagne et de la Hongrie – peuvent-elles avoir un effet clivant en termes de diplomatie internationale ? A votre avis, existe-t-il des intérêts européens et américains divergents dans la gestion de cette situation de guerre ? Ou une rivalité opposant des intérêts locaux en Europe ?
– C’est avec le concours de la Hongrie que cette agression russe a été condamnée de façon ferme et unitaire par tous les pays membres de l’OTAN et de l’Union européenne. La question, c’est : quelles doivent être les conséquences ? Il y a peu de pays capables de renoncer complètement à l’énergie et aux aliments qu’exporte la Russie. Et pour l’instant, nous, Hongrois – en dépit de tous nos efforts en vue de nous rendre autonomes –, n’avons pas encore atteint ce point.
Comme un bon gouvernement prend en compte avant tout les intérêts des gens qui vivent dans son pays, il est bien naturel qu’il existe des intérêts locaux susceptibles d’entrer en concurrence. C’est compte tenu de tout cela qu’il faut prendre des décisions communes qui fassent clairement comprendre que nous ne voulons pas de guerre, et que nous jugeons inacceptable l’agression d’un pays souverain.
On mène contre nous une guerre idéologique
– L’attitude pacifiste, consistant à se montrer responsable du point de vue des intérêts hongrois et critique vis-à-vis des politiques d’embargo irresponsables, a-t-elle déjà produit des résultats dignes d’être pris en considération ? Aurions-nous dans un avenir proche des raisons de réviser cette politique hongroise défendue jusqu’ici avec conséquence et fidélité au principe ?
– Pour ma part, je fais confiance aux instruments classiques de la diplomatie, et aux négociations. Tant que nous pouvons discuter, il nous reste une chance de nous entendre. Je veux croire que les négociations de paix conduiront tôt ou tard à des résultats. Les intérêts ont leur place, tout comme les valeurs : les uns comme les autres doivent être défendus. S’engager au nom de valeurs sans prendre en compte ses propres intérêts légitimes, c’est de l’irresponsabilité ; tandis que défendre ses intérêts indépendamment de toute valeur, c’est immoral. Une paix et une sécurité justes : voilà ce qui doit continuer à constituer notre but.
– La gauche a tendance à trivialiser l’importance des réponses qui seront données aux questions du référendum sur la protection de l’enfance organisé simultanément aux élections législatives. Quel est pour vous l’enjeu de ce référendum ?
– Il y a des poisons qui tuent rapidement, et d’autres qui tuent lentement. L’épidémie de coronavirus ou la guerre sont des dangers qui représentent une menace élémentaire, évidente, palpable, mais qui, en même temps, a tendance à cacher cette guerre idéologique larvée qu’on nous mène, et qui, de temps en temps, au gré de tel ou tel retour de flamme, finit par montrer son vrai visage – et la nouveauté, c’est que cette guerre vise maintenant nos enfants. Or cette guerre nous est menée en cet instant même.
Les enfants sont notre plus grand trésor, et leur éducation constitue un droit et un devoir inaliénables des parents. C’est à eux de décider sur qui ils souhaitent s’appuyer dans cette éducation – entre autres dans le domaine de l’éducation sexuelle : à quelle assistance extérieure ils souhaitent recourir et quand ils considèrent que le moment est venu pour leurs enfants d’être confrontés aux questions qui concernent la sexualité. Quant à l’Etat, il est de sa responsabilité de garantir les conditions d’un épanouissement corporellement et spirituellement sain des enfants. Il doit aider les parents qui le désirent à tenir leurs enfants à distance de toute propagande dangereuse et toxique.
Ce référendum a pour thème les enfants, mais s’adresse aux adultes : aux parents, aux grands-parents, à tous ceux qui accordent de l’importance à la sécurité des générations qui viendront après nous. Voilà pourquoi je vous encourage toutes et tous à faire usage de votre droit référendaire, en exprimant votre opinion. Ce dimanche, c’est en répondant « non » aux quatre questions posées que nous pouvons dire le « oui » le plus résolu à la sécurité spirituelle et intellectuelle à long terme de nos enfants.