Hongrie — Entretien avec Rodrigo Ballester, directeur du Centre d'Études européennes au Mathias Corvinus Collegium en Hongrie : « L’ouverture d’esprit, la pensée critique et la liberté de ton nous tiennent à cœur, à rebours de la Cancel Culture qui fait des ravages en Occident. »
Rodrigo Ballester est un ancien fonctionnaire européen issu du Collège d’Europe, et a notamment été membre de cabinet du Commissaire à l’Éducation et à la Culture de 2014 à 2019. Il enseigne à Sciences-Po Paris (Campus de Dijon) depuis 2008. Thibaud Gibelin, actuellement chercheur invité au Mathias Corvinus Collegium, l'a interrogé sur les objectifs du MCC, l'avenir de l'Union européenne et la place prise au sein de cette communauté par les pays d'Europe centrale et orientale.
Thibaud Gibelin : Le MCC prend depuis quelques années une envergure inédite. Pouvez-vous nous présenter les différents objectifs de cette université privée ?
Rodrigo Ballester : C’est un ovni éducatif. Pour commencer il dément le fatalisme ambiant alimenté par l’effondrement de l’enseignement universitaire en Occident. Notre jeunesse n’est pas condamnée à une éducation décadente, et le MCC le prouve. En renouant avec les fondamentaux classiques, on peut bâtir des projets éducatifs à succès. L’ouverture d’esprit, la pensée critique et la liberté de ton nous tiennent à cœur, à rebours de la Cancel Culture qui fait des ravages en Occident. C’est pourquoi de nombreux universitaires américains, de sensibilité diverse, nous rejoignent. À titre d’exemple, nous recevons actuellement Peter Boghossian, philosophe libéral et athée militant : il a fait l’objet d’une chasse aux sorcières menée par le mouvement « woke » et a finalement jeter l’éponge et quitter l’ université de Portland.
Le MCC entend former toute une classe d’âge, en sélectionnant de jeunes gens brillants aux quatre coins de la Hongrie : notre méritocratie ne se limite pas à Budapest. Les élèves et étudiants obtiennent une bourse et un logement. Le MCC offre des cours complémentaires. Les étudiants vont dans leurs universités respectives et le soir ils reçoivent un surcroît de formation, avec de petits effectifs. Nous revendiquons une culture « Renaissance » pour échapper à l’hyperspécialisation contemporaine.