La Deutsche Welle vous manipule

Dans une vidéo de propagande tournée contre la Hongrie, la Deutsche Welle, chaîne de télévision internationale du service public allemand, a manipulé les déclarations de représentants de la société civile hongroise. Interrogé par Magyar Nemzet, le porte-parole de la chaîne a prétendu que ses collègues avaient aussi cherché à recueillir l’opinion du camp pro-gouvernemental, mais sans recevoir aucune réponse – détail que, curieusement, le reportage ne mentionne pas.

András Kárpáti – László Szőcs
2021. 03. 10. 20:01
A Nemzeti Hauszmann Program részeként felújított Mátyás kútja (Mátyás-kút), a Stróbl Alajos szobrászmûvész által készített mûemlék a budai Vár déli részén, a Hunyadi-udvarban 2020. szeptember 3-án. Fotó: MTI/Szigetváry Zsolt
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Cette vidéo tournée dans le Château de Buda par la Deutsche Welle (DW), chaîne du service public allemand, est une collection de bavures déontologiques, dans laquelle les propos de plusieurs intervenants sont détournés au profit des objectifs de propagande de la chaîne. Comme nous l’avions déjà rapporté, le film, consacré aux travaux de construction en cours dans le « Quartier du château » (Várnegyed), s’efforce explicitement d’établir un parallèle entre le présent et les derniers jours du régime Horthy (marqués, entre autres événements tragiques, par la déportation de nombreux juifs).

Les propos de Tamás Wágner, s’exprimant pour ce reportage au micro de Deutsche Welle, ont de plus été doublés en allemand de telle sorte que la déclaration originale, prononcée par ce dernier en hongrois, ne soit souvent pas audible. Il s’est avéré que cette façon de faire de DW était probablement intentionnelle, étant donné que, dans ce segment, elle prêtait justement à Wágner des propos qu’il n’a même pas tenus. Ce riverain, ancien employé du MTI (agence de presse d’Etat en Hongrie), a répondu aux questions de Magyar Nemzet, soulignant qu’il n’avait parlé que des travaux de construction en cours dans le Château de Buda, et des difficultés qu’ils créent pour la circulation. Il a aussi témoigné du fait que l’arrivée de délégations en visite d’Etat provoque souvent des bouclages de rues, parfois eux aussi dérangeants pour les automobilistes et les piétons.

Détournement de propos

La vidéo, en revanche, laisse entendre que Wágner en aurait dit bien plus, en collant ses propos, à titre d’illustration, juste après des passages dans lesquels intervient Márta V. Naszályi (maire de l’arrondissement du Château, du même parti écologiste de gauche que le maire de la capitale, Gergely Karácsony), et en le présentant comme « un riverain, lui aussi profondément attristé par ces évolutions ». V. Naszályi venait en effet de prétendre que le gouvernement hongrois « s’approprie les immeubles qui constituent la propriété de la ville », tout en transmettant à la société des messages allant dans le mauvais sens, et qu’elle, en ce qui la concerne, n’aimerait pas voir le Quartier du Château dans un état rappelant celui de 1944. – « Ce gouvernement autoritaire, dictatorial, a pris une décision allant à l’encontre des intérêts de la société » – conclut cette camarade de parti de Gergely Karácsony.

Tamás Wágner apparaît aussi dans la seconde moitié de la vidéo, dans laquelle on voit cet ancien journaliste du MTI croiser par hasard dans la cage d’escalier l’un de ses voisins, János Marti, qui affirme que « par les temps qui courent, il n’y a plus moyen de savoir ce qui se passe dans le pays », et que lui et son épouse d’origine juive, « lassés par les manigances du gouvernement Orbán au Château de Buda », ont décidé de déménager dans un autre quartier.

Syndrome de la Shoah

« Si les Juifs avaient su ce qui les attendait à l’époque, – poursuit-il – ils ne seraient pas montés dans le train. » Et d’ajouter qu’il espère ne pas avoir à monter dans ce genre de trains. Commentant ces propos de son voisin, Wágner a déclaré à Magyar Nemzet qu’il en était très étonné, même s’il se trouve savoir que l’épouse de ce dernier « souffre probablement d’un syndrome de la Shoah. Elle a réellement peur : sa mère a été déportée en camp de concentration pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce sont des symptômes observables chez de nombreux survivants de première génération de la Shoah ; et, au vu du choc enduré, c’est tout à fait compréhensible. Depuis lors, le couple a effectivement déménagé du Château. »

Finalement, il a aussi révélé que l’impression de hasard que donne leur rencontre filmée est trompeuse : la Deutsche Welle lui avait préalablement téléphoné, pour lui annoncer qu’ils allaient filmer dans le Quartier du Château, et lui demander s’il accepterait de répondre à leurs questions. Wágner avait dit oui, mais en les prévenant qu’en sa qualité de riverain, il souhaitait parler exclusivement des conditions d’habitation et des conséquences directes des travaux de construction en cours. Il nous a aussi affirmé n’entretenir aucune sorte de relation avec madame V. Naszályi. A cette dernière aussi, nous avons envoyé plusieurs questions en rapport avec ses propos du reportage allemand, mais, au moment de la mise sous presse, les réponses de madame le maire ne nous étaient pas encore parvenues. Contactée par téléphone, elle avait évoqué le début imminent d’une plage horaire de réception en ligne du public qu’elle doit assurer pour nous rediriger vers son directeur de la communication. Nous aurions, entre autres, aimé savoir pourquoi elle considérait que le gouvernement projetait de ramener le quartier à son état – très exactement – de mars 1944, et où elle avait, dans les documents et communiqués officiels, trouvé trace de telles intentions.

La partie adverse, ignorée

– « Les responsables [du camp pro-gouvernemental] ont soit rejeté les demandes d’interview que nous leur avons adressées, soit les ont laissées sans réponse » – telle était déjà la réponse que Christoph Jumpelt, porte-parole de la chaîne Deutsche Welle du service public allemand, avait donnée à Magyar Nemzet, quand nous lui demandions pourquoi leur reportage sur Budapest ne donnait la parole qu’à des politiciens de l’opposition, et à des intervenants partageant l’opinion de ces derniers. Cependant, quand nous lui avons demandé qui étaient ces responsables contactés par ses collègues, il n’a pas répondu à la question. (Le reportage, à aucun moment de ses plus de quatre minutes, ne mentionne le fait que des représentants des partis de gouvernement auraient été contactés.)

– « Notre reportage s’adresse à notre public international, et non spécifiquement à celui de telle ou telle région du monde. C’est pourquoi il présente son sujet de façon à le rendre compréhensible pour tout public, y compris pour un public dénué de connaissances préalables. Notre reportage reflète des faits, et montre des personnes disposant d’informations sur ce projet [immobilier] » – nous a répondu Jumpelt, prenant la défense de son enseigne ; il a aussi réagi avec perplexité à nos questions quand nous lui avons demandé si sa chaîne comptait lancer une enquête interne sur ce reportage tendancieux et ses dialogues mis en scène à l’avance, ou si ce reportage serait soumis à un contrôle de qualité ultérieur.

Ce reportage sur le Quartier du Château ayant donné le ton, DW se prépare – selon des informations apparues dans la presse – à lancer en avril des émissions régulières en Hongrie, quoique pas sous la forme d’une chaîne traditionnelle. Son porte-parole nous a confirmé cette information : des contenus seront proposés sur YouTube et sur les réseaux sociaux. Il s’est en revanche abstenu de confirmer nos hypothèses lorsque nous lui avons demandé si – comme l’ont affirmé certains articles de presse – le partage et la diffusion en Hongrie de ces contenus seraient entre autres confiés à des titres de la presse de gauche libérale hongroise comme les sites 24.hu, Hvg.hu, Telex et la chaîne de télévision ATV ; pour citer sa réponse : « certains médias hongrois » seront impliqués – les tractations étant encore en cours.

Depuis lors, le Syndicat National des Médias hongrois (Magyar Nemzeti Médiaszövetség) a condamné DW pour avoir commandité une nouvelle vidéo de propagande sur la Hongrie, qui, cette fois, dépasse toutes les bornes de la déontologie et de l’éthique.

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