Tout au long de son histoire, l’Europe Centrale a eu non seulement un rôle, mais aussi une vocation. C’est là un fait que, jusqu’en 1990, l’occupation soviétique a occulté. La tâche consistant à adapter à l’époque moderne notre vocation traditionnelle n’était plus concevable, tant que des soldats soviétiques étaient stationnés dans nos pays, et que notre seule aspiration était d’échapper au Pacte de Varsovie.
Ce qui rétrécissait aussi nos perspectives, et monopolisait nos forces, c’était la volonté de nous débarrasser de nos propres communistes, et, après disparition des baïonnettes de l’occupant, d’envoyer ces derniers lá où ils méritaient d’atterrir. Á des années-lumière du pouvoir gouvernemental, nous sommes entrés dans l’inventaire scolaire des péchés historiques, d’où nos enfants et nos petits-enfants pourront apprendre à quoi cela mène, quand on cherche à construire l’avenir sans avoir au préalable digéré les idéaux nationaux et les enseignements du christianisme.
Après avoir fait tomber le communisme et s’être libérés, nos pays se sont retrouvés dans un état de bonheur, mais aussi d’affaiblissement. Nos forces étaient monopolisées par la survie, l’épreuve d’une grande restructuration, le besoin de poser les fondations d’une nouvelle époque : une époque d’adaptation au monde occidental. Et pourtant, dès 1991, notre cœur nous dictait qu’il faudrait, d’une façon ou d’une autre, lier entre eux nos pays : la Pologne, la Hongrie et la Tchécoslovaquie. Nous le savions : les siècles naissent et passent, mais la communauté de destin des peuples d’Europe Centrale, elle, demeure.
Et en effet, trente ans plus tard, désormais tous membres de l’OTAN, nous pouvons nous considérer comme la région la plus dynamique de l’Union européenne : forte croissance, faible chômage, numérisation rapide, investissements robustes. Voilá ce que nous sommes devenus.
L’Europe Centrale
Les débats difficiles qui agitent l’Union – autour des questions d’immigration, de démographie, de rôle des familles : le conflit entre culture nationale et multiculturalisme – viennent de rappeler à notre attention la vocation historique de l’Europe Centrale. Existe-t-elle seulement ? Et si oui, quelle est sa forme moderne ? Et – question la plus pressante de toutes pour nous autres, les Premiers ministres : comment la politique doit-elle traiter cette vocation ?