Ce pays où, du XVIe siècle au milieu du XXe siècle, la foi en Dieu – avant tout sous la forme d’un calvinisme du quotidien – imprégnait de part en part la vie des familles et des villages, le système scolaire, la culture, la science et les arts, et même la vie de l’État, ne ressemble plus aujourd’hui à cette Hollande de « l’âge d’or », ou alors tout au plus à « ses décors de carton-pâte » (l’expression appartient à Huizinga). Et encore, même ces décors s’effritent, comme l’a montré un exemple des plus mesquins datant de l’année dernière : obtempérant devant les exigences des activistes du mouvement BLM, on a retiré de la circulation le carrosse doré de la famille royale hollandaise, car, sur l’un de ses flancs, une peinture représente des noirs exprimant, par des révérences et des cadeaux, leur adoration d’une femme blanche – scène qui rappelle l’époque coloniale de la Hollande. Laquelle continue visiblement jusqu’à nos jours à remplir les Hollandais d’un complexe de frustration et de culpabilité, auquel le maire d’Amsterdam a donné libre cours il y a une semaine, quand, dans le discours qu’il a tenu à l’occasion de l’anniversaire hollandais de l’abolition de l’esclavage, il a demandé pardon au nom de sa ville pour sa participation au commerce hollandais des esclaves.