Hongrie – Chose inédite pour un pays de l’UE, les élections législatives de dimanche en Hongrie et le référendum qui avait lieu en même temps se sont déroulés sous la surveillance rapprochée d’une mission d’observation à grande échelle de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), et plus précisément de son Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (ODIHR) ainsi que de son assemblée parlementaire. Il s’agissait de 316 observateurs de 45 pays en tout, dont 221 experts de l’ODIHR accompagnés d’observateurs venus pour une plus ou moins longue durée (l’observation a débuté plusieurs semaines avant les élections et doit prendre fin dix jours après, notamment pour suivre le traitement des recours concernant les élections) ainsi que 95 parlementaires et personnels de l’assemblée parlementaire.
Pourquoi une telle mission ?
La raison d’une telle mission est que la coalition de six partis d’oppositions qui affrontait la coalition gouvernementale (Fidesz-KDNP) dans ces élections en avait fait la demande en assurant qu’il existait un risque réel que ces élections convoquées après douze ans consécutifs avec Orbán à la tête du pays (ce qui est encore quatre ans de moins qu’Angela Merkel en Allemagne) ne soient pas libres et honnêtes. Ou peut-être est-ce tout simplement ce que cette opposition hongroise voulait que nous pensions : puisqu’il faut une mission d’observation de l’OSCE, c’est bien qu’il y a un problème avec la démocratie en Hongrie, n’est-ce pas ? Sans surprise, la demande d’une mission d’observation faite par l’opposition hongroise a été activement soutenue par une soixantaine députés au Parlement européen, une institution dont on sait ce qu’elle pense majoritairement de la Hongrie de Viktor Orbán.
Voulant montrer qu’il n’avait rien à cacher, le gouvernement hongrois a donc invité l’OSCE à envoyer ses observateurs.
Une mission d’observation complémentaire montée par des organisations conservatrices
Craignant que la mission d’observation de l’OSCE puisse manquer d’impartialité vis-à-vis de la Hongrie, plusieurs organisations conservatrices européennes ont décidé d’envoyer leurs propres observateurs. À l’invitation de l’Alliance pour le bien commun, des observateurs polonais, bulgares, croates, ukrainiens (ces derniers étant absents au moment du vote) et espagnols (de l’organisation Abogados Cristianos ont ainsi été envoyés par l’Institut pour la Culture du droit Ordo Iuris, une association polonaise d’avocats et juristes polonais pro-famille et pro-vie qui est très active en Pologne et auprès des institutions internationales. D’autres associations membres de cette alliance conservatrice ont également envoyé des observateurs. Il s’agissait notamment de de l’organisation américaine Judicial Watch, du think tank italien Nazione Futura et de l’ONG tchèque Pro Rodinu. Étaient également présents trois observateurs détaché par l’Observatoire du Journalisme (France). Bien que plus modeste que celle de l’OSCE, cette mission, également présente avant et après les élections, a pu visiter quelques centaines de bureaux de vote répartis dans tout le pays pendant la journée du dimanche 3 avril et également assister à des opérations de dépouillement des votes envoyés par la poste (par les membres des minorités hongroises vivant au-delà des frontières de l’actuelle Hongrie) ainsi que de ceux déposés dans les urnes le 3 avril.
Par ailleurs, tout journaliste ou membre d’ONG avait la possibilité de demander à avoir le statut d’observateur et bénéficier des droits et privilèges propres à ce statut, et il y avait donc encore quelques centaines d’observateurs en plus de ceux rattachés aux deux grandes missions d’observation décrites ici.
Des conditions d’observation vantées par les deux missions
Lors de leurs conférences de presse respectives qui se sont tenues à Budapest le lundi 4 avril, au lendemain des élections, les représentants des deux missions d’observation ont été d’accord pour dire que les observateurs avaient eu un accès libre et sans obstacle à tous les bureaux de vote qu’ils avaient voulu visiter, et qu’ils avaient pu parler librement aux membres des commissions électorales, aux électeurs et également, y compris avant le jour du vote, aux représentants de toutes les institutions et ONG avec lesquels ils avaient souhaité échanger.
Les « failles » observées par la mission de l’OSCE
Les représentants de la mission mandatée par l’OSCE n’ont pas observé d’irrégularité au niveau du vote mis à part quelques irrégularités mineures de nature procédurale et concernant le secret du vote. Ils ont en revanche énuméré ce qu’ils ont considéré comme étant des « failles » (le mot « flaws » a été utilisé en anglais pendant la conférence de presse qui a suivi les élections) qui remettent en cause à leurs yeux le caractère entièrement démocratique, honnête et transparent de ces élections. Ces « failles » sont : l’intensité de la campagne négative à l’encontre de l’opposition de la part du camp gouvernemental et des médias publics, la frontière floue entre dépenses de campagne du camp gouvernemental et action gouvernementale, ainsi que la présence trop faible de femmes dans la campagne, ce qui entraînerait, de l’avis des responsables de la mission de l’OSCE, un manque « d’inclusivité » préjudiciable au caractère pleinement démocratique des élections. Du coup, la parlementaire danoise Kari Henriksen, coordinatrice de la mission, a parlé de « l’absence de conditions de concurrence équitables » (« absence of a level playing field »), tout en reconnaissant que le vote lui-même s’était déroulé dans de bonnes conditions et que les candidats avaient pu faire campagne librement.
Des réserves qui ne sont pas partagées par la mission concurrente
La mission d’observation des organisations conservatrices n’a pas partagé les réserves de celle de l’OSCE à laquelle elle avait déjà reproché un rapport préliminaire, publié avant la tenue des élections, de nature à faire douter de son impartialité. Dans ses conclusions finales, la mission d’observation des organisations conservatrices remarque, en ce qui concerne les conditions de concurrence que, si les médias publics ont indubitablement été du côté du gouvernement dans la campagne électorale, il existe en Hongrie de nombreux médias privés qui sont, eux, hostiles au gouvernement et favorables à l’opposition et qui ont ainsi équilibré le paysage médiatique et les possibilités d’accès aux médias, la « consommation » des médias pro et anti-gouvernementaux étant, d’après une étude du troisième trimestre 2021 citée dans le rapport d’observation et pendant la conférence de presse, plutôt équilibrée. Quant au caractère négatif de la campagne, ainsi que l’avaient aussi admis les représentants de la mission de l’OSCE lors de leur propre conférence de presse, il est un fait dans les deux sens (de la part du camp gouvernemental et de l’opposition) et la Hongrie ne fait pas figure d’exception dans ce domaine. Et enfin, en ce qui concerne la frontière floue entre dépenses de campagne et dépenses liées à l’action gouvernementale, cette deuxième mission a remarqué que ce flou existe aussi entre dépenses de campagne de l’opposition et dépenses des ONG majoritairement du côté de l’opposition, dont de nombreuses qui bénéficient de financement étrangers, y compris un nombre non négligeable bénéficiant de financements de l’Open Society Foundations de George Soros. Des ONG qui ont également investi des sommes conséquentes, qui se comptent en millions de dollars, dans la campagne réussie de l’opposition pour faire invalider le référendum par un boycott ou des votes non valides (en répondant à la fois oui et non aux différentes questions, voire en écrivant des vulgarités sur la feuille de vote du référendum comme cela nous a été signalé par des observateurs des élections).
Témoignages d’observateurs recueillis par le Visegrád Post
En plus de notre participation aux conférences de presse organisées par l’OSCE et par Ordo Iuris, nous avons nous-mêmes visité quelques bureaux de vote dans la capitale et nous avons directement interrogé des observateurs ayant pris part à l’observation des élections. Tous ont confirmé que chaque bureau de vote avait une commission électorale composée de membres de l’opposition et du camp gouvernemental ainsi que d’un représentant de la collectivité locale qui n’était affilié à aucun parti. Tous les observateurs disposaient d’une liste de tous les bureaux de vote du pays et choisissaient eux-mêmes ceux qu’ils voulaient visiter.