C’est aujourd’hui que la Hongrie commémore les plus de cent mille hongrois de Haute-Hongrie qui, il y a 74 ans, en vertu des décrets Beneš, ont été dépouillés de leur citoyenneté, de leurs terroirs et de leurs biens, et forcés à abandonner les terres où ils étaient nés. Suite à la reconstitution de la Tchécoslovaquie au terme de la Seconde Guerre mondiale, le programme de gouvernement de Košice du 5 avril 1945 a rendu les citoyens d’ethnie hongroise et allemande collectivement responsables du « démembrement du pays ». Parmi les décrets adoptés entre mai et octobre par le président Edvard Beneš, élevés en 1946 au rang de loi, 33 avaient pour effet direct ou indirect de restreindre les droits des citoyens appartenant à ces deux ethnies. Sous le signe de ces décrets, la Tchécoslovaquie a d’abord expulsé 36 000 de ses citoyens qui, avant 1938, avaient disposé de la citoyenneté hongroise, interné les hongrois de Bratislava, de Košice et de Komarno, et confisqué leurs domiciles. Dans le cadre de l’accord d’échange de populations conclu avec une Hongrie sous occupation militaire soviétique, les autorités tchécoslovaques pouvaient déporter vers la Hongrie autant d’ethniques hongrois qu’elles voyaient arriver d’ethniques slovaques quittant volontairement la Hongrie. Cependant, en dépit des attentes du gouvernement de Prague – qui menait auprès des ethniques slovaques de Hongrie une campagne systématique d’incitation à l’immigration – les volontaires n’ont finalement été que 59 774 en tout, pendant que 76 616 hongrois étaient déportés de Slovaquie en Hongrie.
C’est le 12 avril 1947 qu’est parti le premier train convoyant des hongrois déportés – le dernier partant le 5 juin 1949 ; entre ces deux dates, les transports vers la Hongrie de familles désignées pour l’expulsion, chargées sur les trains avec leurs biens meubles, ont été presque quotidiens. Entre temps, on avait aussi lancé le programme de la « reslovaquisation », appelé à « donner aux slovaques magyarisés tout au long des siècles la possibilité de regagner le sein de leur nation-mère » ; en pratique, il donnait aux hongrois de Haute-Hongrie la possibilité d’échapper à la confiscation de leurs biens et à la déportation, en retrouvant un statut de citoyen. Sur les 423 000 hongrois qui, dans le cadre de ce programme, intimidés et menacés, ont soumis une demande, les autorités ont reconnu à 327 000 le statut de slovaques.