Le Jobbik, de la « purification » par étapes jusqu’á la « liste Gyurcsány »
« Ne dis jamais ‘jamais’ » : ce proverbe d’une vérité intemporelle, beaucoup le citent, mais peu le respectent. Parmi ceux qui ne l’ont pas respecté, en Hongrie, on trouve notamment les partis héritiers du Parti communiste et les partis libéraux – mais aussi, depuis quelques années, le Jobbik ; ces partis, en effet, ne se sont – pour le dire de façon euphémistique – « tenus á distance » les uns des autres si souvent que pour mieux tomber aujourd’hui les uns dans les bras des autres, pour une étreinte pratiquement amoureuse. Bien sûr, de même que, dans a Tanú (le film-culte du changement de régime en Hongrie), le personnage principal József Pelikán ne pouvait pas se douter qu’il allait rencontrer des hommes-grenouilles, eux non plus ne pouvaient pas savoir qu’un jour, toutes ces rebuffades glaciales, toutes ces disputes ordurières – qui rétrospectivement, á la lumière de leur intimité actuelle, prennent un air de violence domestique – cèderaient la place á une cour expéditive, elle-même suivie d’une danse nuptiale et d’un mariage solennel.
Les racines
Rapporté aux longues années qu’ils ont passées á se traiter de juifs, de communistes et de nazis, on peut dire que le rythme des opérations de pardon et de fusion a été fort leste. Pour mieux comprendre ce processus long et riche en retournements de situation, il faut, comme d’habitude, rembobiner un peu l’histoire. C’est en 1999 que le Jobbik a été lancé en qualité de mouvement de jeunesse de droite, avant de se transformer en parti en 2003. Après une première campagne échouée en 2006 en coalition avec le vieux parti nationaliste MIÉP, Gábor Vona a fait évoluer la communication et l’action du parti en direction d’un style volontiers criard et extrémiste, exploitant l’antisémitisme d’une partie du public, mais surtout sa haine des tsiganes. C’est cette attitude, ajoutée á son opposition (apparemment) féroce au gouvernement de l’époque (constitué par une coalition des socialistes et des libéraux du SZDSZ), qui a, dès 2009, propulsé le Jobbik au Parlement européen, puis, en 2010, au Parlement hongrois. A l’époque, le crédo du Jobbik tourne autour d’un dogme central qui est l’opposition á l’existence même du Premier ministre Ferenc Gyurcsány ; dans sa déclaration de fondation, toujours consultable sur son site officiel, on peut lire que « notre tâche prioritaire est d’écarter du pouvoir politique le parti héritier du parti communiste et les ultra-libéraux qui forment avec lui une unité symbiotique ».