– En Europe et dans le monde dit civilisé, nous perdons des boussoles dont l’usage devrait aller de soi, et n’avait jamais été contesté par le passé – sans aller plus loin : l’idée qu’il existe des hommes et des femmes, et uniquement des hommes et des femmes, qu’il existe entre eux une divergence, une différence, et que nous lui accordons de l’importance – les femmes étant des femmes, les hommes, des hommes. S’il devient possible de déclarer que cette idée serait idiote, qu’elle constituerait une discrimination arbitraire et, comme telle, annulable, alors plus de boussole : tout ce qui nous reste, c’est la désorientation, le chaos. C’est tout aussi vrai de la nation : s’il devient possible de dire qu’elle constitue une construction démodée, qu’il faut aller de l’avant, que l’homogénéité est une mauvaise chose, c’est à nouveau une boussole morale qui nous glisse des mains, et, quant à ce qui serait censé venir la remplacer, nous ne disposons même pas de mots pour le désigner. On dirait que, dans le monde civilisé, on cherche à défendre sous forme de discours rationnels l’idée anti-civilisatrice selon laquelle les Européens devraient laisser se refermer sur eux le piège de cette folie. C’est en effet la folie qui devient dominante en Europe, et c’est contre elle que se révolte le bon sens. C’est au nom du bon sens qu’Orbán et la génération d’hommes politiques dont il est tête de proue se révoltent. Et cette révolte jouit du soutien des gens du quotidien, de ceux qui ont l’habitude de vivre leur vie simplement, selon leurs principes de vie dictés par le bon sens. Ce sont eux qui votent pour Orbán et ses semblables du monde politique actuel en Europe.